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Bernanos : romancier du « surnaturel incarné » !

6 mars 2010

On aura pu s’étonner, avec une fausse naïveté, de nous voir mettre à l’honneur Georges Bernanos, au moment où à Rome il est au menu des lectures de Carême,  certains esprits chagrins et étroits, rapides aux raccourcis réducteurs, imaginant que ses positions inexactes lors de la guerre d’Espagne, puis ses déclarations contestables sur les juifs, notamment après 1945, influencé par la propagande des prétendus « libérateurs », nous auraient fâchés avec l’auteur des « Grands cimetières sous la lune« . Erreur stupide !

Bernanos - Sous le soleil

Nous savons reconnaître, comme nous l’avons écrit, la magnifique dimension spirituelle du romancier catholique en Bernanos, qui sut placer le surnaturel au cœur de l’essence tragique de l’existence humaine. En cela, Georges Bernanos est un écrivain important, un disciple des grands maîtres de la spiritualité chrétienne, car loin de nier l’intervention du Ciel dans les affaires de ce monde, tendance périlleuse que suivront beaucoup de penseurs d’après-guerre, dont un nombre conséquent de funestes théologiens intoxiqués, désorientés et traversés par les pires idées modernistes (De Lubac, Teilhard de Chardin, Yves Congar, Karl Rahner ou encore John Courtney Murray, qui voulurent  intégrer l’expérience humaine au sein du dogme chrétien aboutissant aux fatales déclarations du concile Vatican II), il s’attacha, indéfectiblement, à mettre Dieu, avant toute chose, au centre de l’âme.  

Bernanos publia ses premières nouvelles à partir de 1907 et ses premiers articles en 1913, dans un organe de l’Action française, l’Avant-Garde de Normandie. Dès son premier roman, Sous le soleil de Satan (1926), il mettra en scène un prêtre, l’abbé Donissan, luttant directement contre le mal, se confrontant à la puissance des forces ténébreuses en ce monde. Ce combat, impressionnant à bien des égards, suscita un enthousiasme immédiat et valut à Bernanos une popularité, car le public, ne s’y trompant pas, décela en lui un fin analyste des déchirements tragiques qui jalonnent, inévitablement, le cheminement du chrétien en cette vallée de larmes.

Dialogue des carmélites

Film, le Dialogue des Carmélites,

De Philippe Agostini et Raymond Leopold Bruckberger,

d’après un scénario inédit de Georges Bernanos

inspiré de la nouvelle La Dernière à l’échafaud de Gertrud von Le Fort, sorti en 1960.

En mai 1789, deux jeunes filles entrent au Carmel de Compiègne. L’une prend en religion le nom de sœur Constance,

tandis que sa compagne, Blanche de la Force, devient sœur Blanche de l’Agonie du Christ.

La Révolution n’épargnant pas la vie des religieuses,

le commissaire du peuple dispose d’un mandat de réquisition.

Les Carmélites sont dès lors traquées et dépossédées de leurs biens,

avant d’affronter l’ultime sacrifice.

Suivirent l’Imposture (1927), où de nouveau un prêtre, l’abbé Cénabre, était confronté à la rigueur du drame moral, puis la Joie (1929), roman dans lequel l’héroïne, Chantal de Clergerie, se voit transformée, radicalement, par la foi. Bernanos définira à cette époque, et c’est tout à son honneur, lorsqu’on l’interrogea dans la presse, comme un écrivain catholique, pas autre chose, « un catholicisme dira-t-il, comme celui de Pascal centré sur un Dieu sensible au cœur et à l’âme ». Ces trois romans, recevront de Bernanos le titre générique de « romans du surnaturel incarné », voulant suggérer ainsi « le tragique mystère du salut », car selon sa vision spirituelle remarquable : « le romancier a un rôle apologétique ».

En 1930, s’il se détache de Maurras et de l’Action française, il publie néanmoins un premier pamphlet dans lequel il ne fait pas mystère de ses tendances antijudaïques, la Grande Peur des bien-pensants (1931), rappelant son attachement à Édouard Drumont, l’auteur de La France Juive, qu’il désigne avec affection « mon vieux maître ».

C’est des Baléares, où il s’était installé en 1934, qu’il écrivit Un crime (1935), apparent roman policier où la quête judiciaire se transforme en quête spirituelle, Un mauvais rêve (publié en 1950), et surtout le Journal d’un curé de campagne (1936), tableau supérieur d’une quête de l’au-delà par un pauvre prêtre rural.

Le roman bernanosien, se distingue au XXe siècle, et c’est là sa grandeur supérieure, par son insistance sur le drame de la souffrance consentie afin de parvenir aux vérités surnaturelles. Le roman chez Bernanos, projette le lecteur dans un univers narratif qui évoque, avec un sens de l’écriture admirable, « la Passion du Christ, de la nuit de Gethsémani à l’aube de Pâques – une Passion à laquelle participent les saints » (Donissan, Chevance, Chantal de Clergerie ou le curé d’Ambricourt), chargés de racheter, par leur propre souffrance, les « pécheurs » (Mouchette, Cénabre, la comtesse du Journal d’un curé de campagne).

Comme on a pu dire, chez Bernanos, « l’événement se déroule sur deux plans. D’une part, sur le plan sensible, au milieu des données du réel le plus apparent (cheminement de l’intrigue, dialogues ou méditations des personnages), au niveau du phénomène. D’autre part, au-delà de l’apparence, dans le prolongement de ce réel, sourd le surnaturel, donnée première en regard de laquelle le phénomène se révèle, en quelque sorte, épiphénomène, car le déroulement temporel des faits est relié à des luttes engagées au-delà du visible, au plan de l’éternité. Dans un récit par essence tragique, puisqu’il relie le héros et l’événement à une transcendance, l’itinéraire des personnages s’articule autour du combat de l’Innocence et du Mal. Vision romanesque inscrite à l’évidence dans la perspective du mystère chrétien de la communion des saints. »

Ce qui fait l’immense intérêt spirituel de Bernanos, d’autant en cette période de Carême, et explique pourquoi nous avons voulu porter un rayon de lumière sur lui, c’est sa volonté, de déchiffrer, interpréter et traduire  le monde, toute la réalité de ce monde, à la seule lumière du surnaturel, pour y découvrir, dans un effroi magnifique d’une pathétique aspiration à la sainteté, la réalité inexorable du Mal.

Bernanos, le romancier, comme Péguy auquel il peut être comparé en bien des points et sur de nombreux aspects, s’exprime uniquement par rapport à l’Absolu – il est à la mesure de la transcendance et sa quête n’a d’autre but, d’autre souhait, que la transfiguration de l’âme du pécheur au sein de l’éternité.

De ce fait Bernanos, comme nous l’écrivions à juste raison, mérite, plus que jamais, d’autant en cette période de l’année où nous cheminons vers le grand moment où l’Eglise nous invite à nous souvenir du Sacrifice Divin de Notre Seigneur qui nous valut d’être rachetés et sauvés des griffes de Satan aux prix de son précieux Sang, d’être lu et relu, puisqu’il est non seulement « un immense romancier, un essayiste prophétique, un esprit libre qui a su s’affranchir de tout parti pour défendre à temps et à contretemps sa conception du bien et de l’honneur », et surtout, car là est pour nous l’essentiel, nous rendre familiers, en un  temps dévoré par la technique, soumis aux lois du mercantilisme, dominé par la foule hideuse et grotesque des idoles illusoires, avec les réalité célestes et éternelles, qui sont les seules – authentiques et véritables – réalités !

45 commentaires leave one →
  1. Louis permalink
    6 mars 2010 01:14

    Très belle note ! en période de carême ça tombe très bien. Merci.

  2. Grégoire permalink
    6 mars 2010 01:17

    Quelle réponse magnifique d’une grande valeur spirituelle après la polémique, aussi stérile que vaine, sur la note précédente.

    La Question est vraiment un site catholique !

  3. wendrock permalink
    6 mars 2010 01:36

    Cette mise au point, excellente pour une approche de l’oeuvre bernanosienne en ce qu’elle porte comme dimension véritable, possède une valeur essentielle.

    Je fais de votre texte ma méditation du jour.

  4. 6 mars 2010 06:48

    Ben voilà, c’est quand même pas compliqué ! Au moins avec cet article, vous embrassez, même par allusion, tout le parcours de Bernanos sans dissimuler les prises de positions qui, chez cet auteur, vous gênent et en insistant sur celles, au contraire, que vous partagez avec lui, ce qui est votre droit !

    D’ailleurs, et pour revenir une dernière fois sur la micro polémique de l’article précédent, il eut suffit de précéder celui-ci d’un préambule rappelant les dernières positions de Bernanos pour que tout le monde comprenne sans équivoque que vous vouliez mettre en lumière un des aspects de la réflexion bernanosienne, et non l’enrôler sous votre bannière !

    Je note aussi que, selon votre article, si vous admirez sa littérature, il me semble que politiquement vous vous en éloignez de manière assez nette !

    • cax permalink
      6 mars 2010 10:52

      Elles ne sont pas « gênantes » ses dernières positions – elles sont tout simplement incohérentes d’avec ses idées premières. Elles traduisent une difficulté à faire la part des choses.

      Il faut dire qu’à la différence de Pie XII qui « savait » ce que valaient les fables, et qui a gardé le silence dont on lui fait repproche mais ce qui est tout à son honneur, Bernanos, moins informé évidemment car ne possédant pas les mêmes réseaux que le Vatican, est tombé dans le piège.

      Ainsi Bernanos peut parfaitement, non pas être « enrôlé », mais inclus sans crainte, pour les raisons spirituelles exposées dans ce texte, dans la famille de la Tradition catholique ; ce que vous lui refusez en raison de votre étroitesse d’esprit.

      Les judéolâtres qui ont votre sympathie, que cela vous plaise ou non, ne nous ravirons pas Bernanos !

    • Saint Edouard permalink
      6 mars 2010 10:59

      La position de La Question est identique, ce n’est pas une surprise, à celle de la FSSPX au sujet de Bernanos.

      Bernanos, l’inquiet de Dieu, dans Fideliter :

      Dans son éditorial, l’abbé Régis de Cacqueray explique le titre de l’essai-pamphlet La grande peur des bien-pensants : « Les ‘bien-pensants’ ne sont pas, comme on le croit facilement, les petits-bourgeois frileux et moralisateurs. Les ‘bien-pensants’ sont ceux qui ne veulent pas voir que la modernité est en train d’étouffer l’homme, de le faire mourir en le coupant de Dieu et de sa grâce ». Bernanos lui-même disait : « On ne comprend rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure ».

      Ce dossier comprend, entre autres, une étude sur la figure du prêtre chez Bernanos, un article sur les choix politiques paradoxaux de l’auteur de La France contre les robots, et une précieuse introduction à la lecture de l’œuvre du grand polémiste catholique.

      Fideliter juillet-août 2008, 7,5 € le n° (Europe : 8,5 €, Etranger : 9 €)

      à adresser à : Clovis – B.P. 88 – F-91152 Etampes cedex.

      http://www.laportelatine.org/communication/presse/2008/fideliter184/fideliter184.php

    • xavier permalink
      6 mars 2010 11:02

      Ce mot « enrôlé » montre bien la sensibilité non traditionnelle de celui qui écrit une telle bêtise !

    • 6 mars 2010 11:25

      Bon, je vais vous répondre une dernière fois ! Le texte ci-dessus de la Question ne me pose strictement aucun problème ! Bernanos, du moins ses textes, appartiennent à tous ceux qui le lisent, et je trouverai ça ridicule d’empêcher quiconque d’y trouver matière à nourrir ses passions. En revanche, déjà quand on copie/colle un texte trouvé sur Internet sans le signaler, et qu’en prime on omet volontairement toute une partie du fameux texte, et comme de par hasard celle qui ne colle pas avec l’Image de Bernanos que l’on veut présenter ici, passé moi l’expression mais ça relève plus du Stalinisme que de la Tradition catholique !

      Après on pourra toujours objecter que tous le monde sait ça, le « retournement » de Bernanos, mais imaginez une seconde que je fasse un texte sur de Maistre uniquement à la lumière de son appartenance à la Franc-Maçonnerie, bien réelle, en arguant que son opposition à Barruel relève de la volonté d’innocenter la caste à laquelle il appartient, ne trouveriez-vous pas cela malhonnête ? de même ne viendriez-vous pas rappeler son authentique engagement contre-révolutionnaire ? Et si je vous répondais : »oui, mais ça tout le monde le sait ! » Comment le prendriez-vous, à fortiori si j’utilisais un texte de la Question-doctrine en le charcutant des deux tiers ?

      Bon maintenant je vais arrêter là, parce que ça commence vraiment à me suffire de me faire insulter à longueur de commentaires, par des types, tellement bouffés par l’idéologie qu’ils ne savent même plus lire !

      D’ailleurs puisqu’on en est à parler de Maistre et qu’ici on prise les jansénistes, je citerai le comte Savoyard, pour lequel le jansénisme était loin d’être une « hérésie imaginaire » : »tout ami des jansénistes est soit un sot soit un janséniste » Cax vous devez appartenir à la première catégorie puisque les jansénistes, eux, et quoiqu’on en pense, sont loin d’être sots !!!

      Adieu !

    • Lozère permalink
      11 mars 2010 02:11

      Il ne faut pas prendre trop au sérieux Joseph de Maistre, grand admirateur de Nicole, lorsqu’il écrit cette phrase à propos des jansénistes, d’autant qu’il sagit sous sa plume du jansénisme dégénéré du XVIIIe qui n’a plus grand chose à voir avoir Port Royal.

      En effet, la famille Maistre, dont le nom, la devise et les armes accuse une évidente communauté d’origine avec celle des de Maistre qui précède, et a donné des magistrats distingués au parlement de Paris, tous fidèles jansénistes disciples de Saint Cyran et d’Arnauld !

      Elle a produit Antoine le Maistre, avocat célèbre, et surtout Louis Isaac le Maistre de Sacy, son frère, traducteur de la Bible, qui vécurent longtemps l’un et l’autre dans la retraite de Port-Royal, et qui avait le grand Arnauld pour parent maternel. Elle descend de Jean le Maistre, bourgeois de Montlhéry, trisaïeul de Pierre le Maistre, seigneur des Brosses et de Beaumont, et de Paul le Maistre de la Maisonfort, capitaine de vaisseau, anoblis en décembre 1637. Une branche de cette famille existe encore à Orléans.

      A signaler que le surnom de Sacy est, dit-on, l’anagramme imparfait d’Isaac… (un clin d’oeil de circonstance par rapport au sujet abordé en ces lieux…)

    • Bernanos antijudaïque permalink
      11 mars 2010 13:03

      Ah bon ? Voici donc ce que Maistre dit de Port Royal : « Quelques sectaires aigris par les poursuites de l’autorité, imaginèrent de s’enfermer dans une solitude pour y bouder »

      Encore sur Port Royal : « Frère de Calvin, complice de Hobbes et père des convulsionnaires, il n’a vécu qu’un instant qu’il employa tout entier à fatiguer, à braver, à blesser l’Eglise »

      Sans parler de Pascal qu’il dénonce comme un « sacrilège »… et j’en passe….

    • Lozère permalink
      11 mars 2010 23:57

      Ah ! c’est une question beaucoup plus complexe que vous ne l’imaginez, que la relation de Maistre au Jansénisme, et que l’on ne règle pas avec quelques phrases lapidaires.

      Première remarque. Ces phrases sont extraites d’un texte « De l’Eglise Gallicane », écrit en 1817, soit un siècle et demi après le début de l’affaire Port-Royal, qui n’était pas au départ du « jansénisme », terme polémique qui surgira bien plus tard, mais de l’augustinisme théologique défendu au XVIIe siècle, lors d’intenses débats doctrinaux en Sorbonne par les plus grands docteurs de l’époque (thomistes, oratoriens, ordres mendiants, etc.)

      Les Jésuites s’opposèrent rapidement à ce retour à l’augustinisme, car il portait un rude coup à leur conception pélagienne qui laissait une grande part au libre-arbitre. Du coup le combat contre ce courant de retour à S. Augustin va se transformer en une lutte acharnée entre Jésuites et partisans de S. Augustin. C’est ce qu’explique Zacharias : « Les Jésuites se livrèrent alors à un combat incessant contre les vues augustiniennes de Jansénius et prétendirent que ses exigences, au sujet de la pénitence, risquaient d’éloigner les fidèles de la sainte table. Antoine Arnauld (1612-1694) leur répondit en 1643 avec une étude magistrale, qui d’ailleurs aura un immense succès : « De la fréquente communion », livre dans lequel il soutenait que les rappels spirituels de Jansénius et Saint-Cyran ne sont que la traduction des pratiques observées par la primitive Eglise. »
      http://zacharias.hautetfort.com/archive/2008/09/16/le-jansenisme-une-heresie-imaginaire.html#more

      Il ne faut donc pas perdre de vue que le Jansénisme dont parle Maistre en 1817 n’a plus rien à voir avec les combats doctrinaux des années 1610-1630. Il parle d’un courant devenu peu à peu politique, et quasiment plus théologique, après la mort de Louis XIV, foncièrement Gallican et hostile aux jésuites ultramontains. Or Joseph de Maistre fut lié, étroitement aux jésuites. De plus les ultimes soubresauts du prétendu « jansénisme » que connaît Maistre, s’exprime par une orientation républicaine et anti-papiste. Tout pour déplaire à Maistre qui voit en lui un courant politique amis des révolutionnaires (le fameux abbé Grégoire, membre de la Convention en est un cas exemplaire).

      C’est ce qu’il écrit :

      « Plusieurs causes réunies ont produit ce phénomène. La principale est celle que j’ai déjà touchée. Le cœur humain est naturellement révolté. Levez l’étendard contre l’autorité, jamais vous ne manquerez de recrues : non serviam. C’est le crime éternel de notre malheureuse nature. Le système de Jansénius, a dit Voltaire, n’est ni philosophique, ni consolant; mais le plaisir secret d’être d’un parti, etc. Il ne faut pas en douter, tout le mystère est là » (De l’Eglise Gallicane).

      Or, dans ce cas, se référer à Voltaire pour analyser la doctrine de Jansénius est absurde, car nul n’a plus mal jugé que lui des affaires théologiques. D’autre part, voir Maistre utiliser Voltaire pour plaider cette cause est plutôt cocasse, ce même Voltaire qu’il qualifie de brigand de la pensée, et le regarde comme pire que la peste dans « l’Essai sur le principe générateur des constitutions politiques ».

      Il faut donc considérer que Maistre ne s’adresse pas à la forme native de la doctrine religieuse, mais à sa déformation politique…là est la grande distinction à faire pour percevoir ce dont il est question.

      Il faut d’ailleurs mesurer en quoi, pour juger convenablement, et je cite de nouveau Zacharias dans son étude qui vient d’être citée par un des spécialistes du sujet lors d’une publication universitaire :

      « l’emploi des adjectifs : «janséniste» ou « jansénisme », s’il était déjà sujet à caution à l’époque, perdure [à l’époque de Maistre] et aujourd’hui comme l’un des sommets les plus ridicules de l’imprécision et de l’inexactitude terminologique. Nous nous trouvons par cette utilisation souvent fantaisiste et absurde du terme « jansénisme », comme le disait déjà naguère Saint-Simon, face à « l’inévitable pot au noir pour barbouiller qui l’on veut ». Les études contemporaines, le montrent, la recherche ayant réalisé des avancées significatives depuis ces dernières années, les idées natives du jansénisme en France s’évanouiront peu à peu avec le temps au profit de tendances étrangères aux fondements doctrinaux du jansénisme, période où l’on vit apparaître sur le devant de la scène des caricatures politiques ou littéraires qui conjuguèrent allègrement les positions gallicanes en matière de droit ecclésiastique, le refus de l’absolutisme, un certain laïcisme, une forme de romantisme républicain, l’esprit du labeur et la culture du travail, caricatures vidées, ou presque, de tout augustinisme théologique réel, que l’on couvre, par facilité de langage, de l’appellation « jansénisme », mais qui n’ont strictement rien à voir avec lui. Ce fut l’époque, (fin du XVIIIe première moitié du XIXe), où les références à un prétendu « jansénisme », références très imprécises furent nombreuses, tant en politique qu’en littérature. La politique de la Restauration y fera même parfois des allusions, et des hommes comme Pierre-Paul Royer-Collard ou Lanjuinais se verront publiquement présentés comme des jansénistes eux qui l’étaient si peu, ainsi qu’un certain nombre de parlementaires de la Monarchie de Juillet ou de la Troisième République, comme Pierre-Paul Royer-Collard, Victor Cousin ou Jules Dufaure. Il n’était pas exceptionnel, exemple parmi bien d’autres de cette dérive terminologique, que l’on se traitât publiquement, et avec force vociférations, mutuellement de « janséniste » à la Chambre, et on y ira jusqu’à qualifier un journal politique si faiblement augustinien comme Le Constitutionnel de « janséniste ». Il n’est pas anodin non plus, pour mieux comprendre ce climat où le terme « jansénisme » glisse dans le vocabulaire commun, de remarquer que Stendhal fait de l’abbé Chélan, formateur de Julien Sorel dans le « Rouge et le Noir », un curé dit, selon des critères discutables, « janséniste », soit un prêtre typique de ce que l’on entendait alors : gallican, intransigeant sur le plan religieux bien qu’humain et pédagogue. »

      Ainsi donc, une extrême réserve est de mise en ces domaines, avant que de brasser des concepts un peu trop rapidement et légèrement, qui demandent un minimum d’examen et ne permettent pas l’approximation.

      Enfin, ce qui n’est pas le moindre des paradoxes et est même plutôt amusant, c’est qu’à l’époque où Maistre écrit ses lignes contre le courant politique gallican, c’est lui, lié aux Jésuites, qui est en religion ultra augustinien et sur les bases théologiques de jansénius (force déterminante du péché originel, état corrompu de la créature, présence universelle du mal, etc.), et les prétendus « jansénistes » qu’il combat, en réalité des gallicans anti-papistes et républicains, qui sont sur les positions des jésuites du XVIIe siècle (libre-arbitre, optimisme anthropologique, morale assouplie, etc.).

      Comme quoi, on aura tout lieu donc, de veiller avec attention à ne pas s’avancer trop rapidement de façon polémique en ces matières théologiques délicates, qui exigent, comme vous le voyez, une infinie prudence et surtout beaucoup de sérieux.

    • brunsw permalink
      6 mars 2010 16:13

      Oui, le pape « savait » et il n’a rien dit, ce que lui reprochent les sots aujourd’hui, car il ne mentait pas…

      http://intransigeants.wordpress.com/2009/12/22/pie-xii-le-pape-qui-savait/

  5. Francine permalink
    6 mars 2010 08:26

    Je n’aime pas Bernanos.
    Où est l’Amour de Dieu dans ses écrits ?
    Dans ses romans : « le journal d’un curé de campagne » et « sous le soleil de satan » ce ne sont que des prêtres tourmentés, à la limite de la folie.
    Ces films ne sont pas des témoignages de l’Amour de Dieu.

  6. jld permalink
    6 mars 2010 11:12

    Bernanos, je crois que ceci a déjà été dit par d’autres en ces lieux est resté foncièrement un anti-moderne. Un homme détestant le systéme machinique qui broie les peuples et asservit les âmes !

    Bernanos est un auteur du camp traditionnel. Il faut avoir la tête bien étroite pour vouloir lui refuser cette place.

  7. cax permalink
    6 mars 2010 13:34

    @ Bernanos antijudaïque ?

    Preuve est faite, de manière assez démonstrative, de votre petitesse doublée d’une sottise anti-traditionnelle.

    Revenir sur votre fantasme, alors que la première note (dont on ne voit pas en quoi d’ailleurs elle relève à proprement parler du copier / coller) ne visait qu’à mettre en évidence certaines déclarations que l’on cherche à oublier contenues dans la Pléiade et ne constitue pas un exercice de « retournement » sauf dans votre esprit judéophile dérangé, montre que vous êtes animé par une intention tordue.

    Quant à votre possibilité de vous livrer à une étude de Maistre centrée sur son appartenance à la FM, outre que cela a été déjà fait et bien fait (Dermenghem, Vuillaud, Guénon, etc.), elle n’est en rien dérangeante, si jamais on précise les idées – catholiques, monarchistes et contre-révolutionnaires – défendues dans les cercles qu’il fréquentait.

    Enfin vous voir écrire que nous sommes « des types, tellement bouffés par l’idéologie qu’ils ne savent même plus lire », après nous avoir abreuvé par vos sophismes, truismes, inepties, le tout enrobé par une mauvaise foi de premier ordre et une attitude rabinnique, il y a de quoi rire.

    Surtout, lorsque votre conclusion, nous resservant la vieille rengaine sur le jansénisme qui introduisit vos délires mesquins en ces lieux, prouve votre vision stupidement bornée sur un sujet qui, comme cela vous fut aimablement signalé pour compenser votre évidente ignorance, mérite beaucoup plus de nuances…

    J’en reviens donc à ma première impression vous concernant, qui comme on le sait est toujours la bonne, vous manifestez une orientation judaïque malsaine vous faisant exsuder un puissant relent, repoussant et pénible, d’esprit talmudique.

  8. sky flying permalink
    6 mars 2010 13:53

    Bon résumé : orientation judaïque malsaine d’un esprit talmudique. C’est tout à fait ça. Son comportement ici en est une démonstration exemplaire.

  9. DST permalink
    6 mars 2010 13:58

    L’orientation judaïque, malsaine et pénible, d’esprit talmudique.

    • rilmes permalink
      6 mars 2010 16:48

      Formés dès l’enfance à cet esprit propre au rabinnisme, il n’est pas étonnant de les voir plus tard si perturbés et ergoteurs….

  10. ADB permalink
    6 mars 2010 15:59

    Il faut être un crétin réduit du bulbe, du niveau de celui qui vint vous fatiguer avec son cirque talmudique, pour vouloir refuser à la Question de considérer que Bernanos est un écrivain qui resta profondément convaincu de ses idées de jeunesse.

    Lorsqu’on écrit, dans La liberté pourquoi faire (1947), l’un des derniers textes de Bernanos : «Cette civilisation a sa philosophie, et le premier axiome de cette philosophie est d’affirmer son asservissement à l’histoire, elle-même asservie à l’économique», on est un penseur traditionnel – c’est-à-dire un anti-moderne.

    Bernanos est donc un écrivain du camp de la Tradition, même si en 1947, il est en complète rupture avec sa jeunesse d’Action Française, a par ailleurs la tête farcie des fables de Nuremberg, il n’en demeure pas moins royaliste.

    Le Bernanos de 1947 tourne son regard vers le futur et ce qu’il voit, à la lueur de Nagasaki, l’effraie :

    «Oh ! Vous pouvez parfaitement trouver scandaleux de m’entendre comparer le monde moderne à l’enfer. Mais c’est là une impression que n’ont pu manquer d’avoir les habitants de Nagasaki».

    Il refuse aussi bien le modèle libéral que le modèle soviétique, à ses yeux dérivés tous deux du progrès :

    «Pour avoir été repris par les marxistes, le mythe du progrès n’en est pas devenu moins carnassier, moins avide de chair humaine. En vingt ans d’expérience soviétique, et dans la seule Russie, le progrès selon Marx a déjà dévoré plus d’hommes que le progrès selon Bentham en cent ans, et d’ailleurs les deux monstres ne font qu’un».

    Lorsqu’on écrit ceci, mettant dans le même sac marxisme et libéralisme, on est effectivement difficilement assimilable au camp des néo-cons !

  11. Vries permalink
    6 mars 2010 16:08

    Georges Bernanos est un monarchiste catholique anticapitaliste.

    Bernanos a incarné une vieille tradition anticapitaliste, anti ploutocratique et anti usuraire chrétienne, ce qui explique en quoi il a toute sa place sur La Question qui se situe complètement sur cette ligne :
    http://www.la-question.net/archive/2008/11/05/pour-en-finir-avec-la-pax-americana.html

    C’est chez saint Thomas d’Aquin, chez Bossuet comme chez Bourdaloue (cf. Malheur aux riches), qu’il a puisé ses références, et ces références sont celles du camp de la Tradition.

  12. morpri permalink
    6 mars 2010 20:33

    @ cax

    Le troll ne manifeste pas une « orientation judaïque » dans ses propos comme vous l’écrivez aimablement. C’est soit un juif, un demi-juif, ou alors quelqu’un ultra imbibé de culture judaïque ; l’attitude ne trompe pas !

    • cax permalink
      6 mars 2010 21:29

      @ morpri

      Sans doute. Mais voilà une suite de parfaits synonymes…

    • morpri permalink
      7 mars 2010 17:12

      « Tout ami des juifs est soit un sot soit un juif.. » 🙂

  13. Valence permalink
    6 mars 2010 20:49

    En 1948, Georges Bernanos dans « La France contre les robot » donnait son nom de baptême à notre civilisation :

    « Notre civilisation est une civilisation de consommation », employant pour la première fois un terme largement repris par la suite.

    Par ce mot, Bernanos désignait le totalitarisme pervers et caché de cette fausse civilisation affublée du masque de la Liberté :

    « Par la tyrannie de la technique et de la consommation, notre monde en crise a tenté d’aliéner l’homme de sa sève de vie pour en faire un homme tiède, complice de sa propre destruction. Or la civilisation européenne n’est pas une civilisation de masse, la civilisation existe pour ne jamais constituer des masses mais des hommes assez conscients pour ne jamais constituer des masses même s’ils sont entre eux rassemblés. »

    Pour Bernanos, la civilisation européenne, c’est-à-dire l’Europe chrétienne pour être clair, est incompatible avec la civilisation des machines et le capitalisme financier.

  14. Hilaire permalink
    6 mars 2010 21:20

    Dans sa récente étude sur Bernanos, Magdalena Padilla García, qui a pu accéder à des documents originaux en Espagne, nous montre un visage assez surprenant de l’auteur de « La Grande peur des bien-pensants », qui pourrait remettre en question bien des certitudes.

    On découvre que le fils de Bernanos, alors qu’il séjournait à Majorque, Yves, s’engagea dans la Phalange avec l’accord de son père.

    Le soulèvement de la droite nationaliste espagnole représentait pour Bernanos explique-t-elle, « l’union à laquelle n’est pas parvenue la droite française. Ce qui montre bien la véhémence des idées politiques de Bernanos qui reprochait à la droite française sa mollesse, contrairement à la droite espagnole capable de prendre les armes : « Les droites espagnoles n’ont pas été si bêtes, c’est une justice à leur rendre. »

    Il est donc évident que ses premières réactions sont celles du soutien à la droite espagnole : soutien relayé par l’engagement de son fils dans le camp nationaliste. La position de Bernanos ne cesse donc d’être ambiguë dans la mesure où il adhère dans un premier temps au désir des nationalistes espagnols de renverser la République au nom d’un idéal moral et religieux.

    D’ailleurs, comme le rappelle fort bien Magdalena Padilla García, il entretenait des relations très étroites avec le Marquis de Zayas, chef de la Phalange locale, amphitryon de l’écrivain sur l’île de Majorque, et futur beau-père de Claude Bernanos, fille de Georges !

    La foi inébranlable de Bernanos est, pour Magdalena Padilla García, la marque de l’intégrité de l’auteur. Elle qualifie Bernanos d’écrivain de la sainteté et analyse sa production littéraire à la lumière d’une recherche constante de mysticisme qui rapproche la vocation littéraire de la vocation sacerdotale à laquelle plus jeune, il s’était senti appelé.

    La dimension moralisatrice de son œuvre est très nettement perceptible dans les différents appels qu’il lance à la jeunesse et l’expression d’une foi authentique qui refuse le culte de l’argent ;  » Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent. La Puissance de l’argent s’oppose à la puissance de Dieu » écrit-il dans Les grands cimetières sous la lune, en affirmant, comme le dit l’essayiste espagnole, un esprit de pauvreté en cohérence avec son idéal chrétien.

    – Magdalena Padilla García, Autobiografía y ensayo en Georges Bernanos. Una lectura de Los grandes cementerios bajo la luna, Universidad Católica San Antonio, Murcia, 2008.

    Un éclairage novateur sur Bernanos, bien différent de celui que certains cherchent à imposer en France, comme on peut le constater… et qui rejoint en beaucoup de points celui qui est défendu sur La Question.

  15. xavier permalink
    6 mars 2010 21:41

    Alors ça !Bernanos maria sa fille au chef de la Phalange de Majorque, et son fils, Yves fut tout d’abord phalangiste en Espagne, avant de rejoinde Londres en 1941… révélations intéressantes !

    • Hilaire permalink
      6 mars 2010 22:15

      Bernanos qui, pour des raisons morales, n’ayant pas supporté le spectacle de la violence nationaliste à Majorque, s’éloignera de la droite espagnole, tenait, en revanche la Phalange de José Antonio Primo de Rivera pour « parfaitement honorable ».

      Il dira : « Il ne me viendrait pas à l’esprit de comparer un magnifique chef tel que Primo de Rivera aux généraux roublards qui pataugent depuis dix-huit mois, avec leurs grandes bottes, dans un des plus hideux charniers de l’histoire. Précisant : Je n’ais donc aucune objection de principe à formuler contre un coup d’Etat phalangiste ou requeté [carliste]. »

    • wendrock permalink
      7 mars 2010 16:18

      Jusqu’à 1934 Bernanos a un discours cohérent. Mais dès qu’il se retrouve aux Baléares, dans un environnement qui n’est plus le sien, une culture qu’il ne comprend guère et des enjeux qui le dépassent, il a tendance à mélanger les problèmes factuels, tristes bien sûr comme ceux qui sont provoqués par la guerre civile, et sa conception de la morale. Du coup la confusion s’installe dans son esprit et ses jugements politiques de clairs qu’ils étaient auparavant deviennent troubles.

  16. herder permalink
    6 mars 2010 22:08

    Il y a des passages extraodinaires chez Bernanos (que je relis un peu grâce à vos articles) :

    « L’activité bestiale dont l’Amérique nous fournit le modèle, et qui tend déjà si grossièrement à uniformiser les moeurs, aura pour conséquence dernière de tenir chaque génération en haleine au point de rendre impossible toute espèce de tradition.

    N’importe quel voyou, entre ses dynamos et ses piles, coiffé du casque écouteur, prétendra faussement être lui-même son propre passé et nos arrière-petits-fils risquent d’y perdre jusqu’à leurs aïeux. »

    La Grande Peur des bien-pensants

    Ecrire ça en 1931, c’est d’une justesse !

  17. sixte permalink
    7 mars 2010 16:29

    Il y ades étapes dans la confusion idéologique de Bernanos. Tout d’abord sa rupture avec l’Action française. Elle se produit en 1932 à l’occasion d’une polémique idiote menée par le quotidien monarchiste contre le parfumeur François Coty, alors propriétaire du Figaro où collabore Bernanos depuis peu.

    Le 15 mai, Bernanos dénonce ces attaques (pour lui il fallait bien manger et faire manger les siens…) et devient la nouvelle cible de l’AF qui, dès le lendemain, publie sous la plume de Maurras « Un adieu » auquel Bernanos répond le 21 mai par un poignant « A Dieu ».

    La rupture aurait pu en rester là. C’était sans compter sur la pugnacité de l’AF qui n’a jamais été aussi violente que contre ses anciens amis et dont les polémiques prenaient vite un tour personnel.

    En octobre, Bernanos écrit : « Je ne marcherai pas sur mon propre passé pour atteindre un homme (Maurras) dont je souhaite de toutes mes forces que la vieillesse ne soit pas une immense déception pour mon pays ». Après cette phrase Bernanos sera traîné dans la boue par l’AF, non sans quelques légitimes raisons comme on peut le comprendre…

  18. Grégoire permalink
    7 mars 2010 16:38

    Dans Les grands cimetières sous la lune (1938), si Bernanos ne prend pas partie pour les Républicains, son silence à l’égard la barbarie et les horreurs antireligieuses des rouges reste un sujet d’incompréhension.

    Il aura même des phrases inacceptables et ignobles dans son texte, surtout lorsqu’on sait ce que furent les horreurs anticatholiques des républicains :

    « Je comprends très bien que l’esprit de Peur et l’esprit de Vengeance – mais ce dernier est-il autre chose que l’ultime manifestation de la Peur – inspirent la Contre-Révolution espagnole. Qu’un tel esprit l’ait inspiré, je ne m’en étonne nullement. Qu’il la nourrisse aussi longtemps, voilà le problème. J’écris donc, en langage clair, que la Terreur aurait depuis longtemps épuisé sa force si la complicité plus ou moins avouée, ou même consciente des prêtres et des fidèles, n’avait finalement réussi à lui donner un caractère religieux ».

    Les évêques espagnols essayèrent d’obtenir la mise à l’Index de l’ouvrage, mais Pie XI restera muet à leur demande.

  19. karl permalink
    7 mars 2010 17:56

    Il n’empêche, et c’est un peu ce que vous soulignez dans votre note (très profonde), que de tous les romanciers français, Bernanos est le plus dostoëvskien, le plus métaphysique, car nul n’a montré plus que lui l’invisible circulation du mal dans l’homme.

  20. Hubert permalink
    8 mars 2010 20:03

    Ce que furent les horreurs anticatholiques des Républicains espagnols n’a rien à voir avec la Terreur exercée par certains catholiques (ce qui n’implique aucunement les autres, sauf en « politique »)

    Nous ne sommes pas dans l’histoire, cette illusion, mais dans le crime, le crime contre Dieu d’abord et surtout – avant même celui commis contre des hommes -, commis et couvert par des hommes d’un « parti » se réclamant de son camp et en son nom.

    Crime suprême et impardonnable s’il en est un, et qui a pour nom la trahison. Trahison ineffaçable.
    Les républicains ne sont pas a priori les soldats de l’esprit chrétien trahi, lui, par certains prétendus chrétiens. Ils sont ennemis mais pas traîtres, et donc valent mieux, dans ce sens précis.
    C’est sans doute ce sens précis qui justifie la « sainte » colère de Bernanos. Nulle folie dans sa position, nulle confusion.
    Non, juste un rappel, mais un rappel à l’ordre et au châtiment divin pour les responsables de ces abjections indignes du Christ.
    « Tu ne tueras point ». Cette phrase ne parle pas du crime en soi, qui malheureusement est inséparable de l’histoire – y compris chrétienne – mais de l’esprit criminel, celui qui justifie le mal accomplit et donc le nie, par dessus le marché. Cet esprit est celui de l’imposture, du mensonge, celui du mal, et il est diabolique.

    Il faudrait donc en vouloir à Bernanos pour ce rappel élémentaire du premier devoir d’un vrai chrétien catholique ?
    Je ne comprends pas bien cette façon de juger Bernanos, c’est une nouvelle trahison envers lui et envers Dieu que de continuer à la soutenir aujourd’hui.

    • 6 mars 2012 10:40

      Entièrement d’accord,
      Bernanos a toujours été intransigeant et intraitable envers son propre camps, celui des catholiques et des royalistes. « Notre Eglise est l’Eglise des saints » proclamait-il dans « Jeanne relapse et sainte ».
      C’est aux catholiques qu’il s’adressait et non à l’ennemi d’en face.
      Vaincre par la sainteté, telle était l’ambition de cet écrivain.La chrétienté se devait d’être différente des hommes sans Dieu.Nos esprits sécularisés ont du mal à comprendre ce langage.
      Un autre fut mal compris par les siens en son temps, qui finit au Golgotha.

    • Hubert permalink
      6 mars 2012 18:15

      Olivier, merci pour la mémoire de Bernanos. Pour ce qui est du Christ, il a tout fait pour que nous constations qu’il ne se réclamait absolument que de lui.

       » Le royaume de Dieu ne peut advenir, à moins que nous ne commencions par chasser nos royaumes humains. Non seulement les royaumes déments et manifestement mauvais, mais aussi les royaumes respectables, – ceux des scribes et des pharisiens, des bons citoyens et des piliers de la société, non moins que les royaumes des publicains et des pécheurs. L’être de Dieu ne peut être connu de nous, s’il nous plait de consacrer notre attention et notre allégeance à autre chose, quelque honorable que puisse paraître cet « autre chose » aux yeux du monde. »

      Il y a une belle et mystérieuse consonnance avec Bernanos dans ces paroles d’Aldous Huxley (Sept méditations). Les harmonies sont clés de vérité aussi, elle appartiennent à l’Architecture. Oui, la non sécularisation des esprits est un combat éternel de chaque instant. Je ne crois pas que Péguy me contredirait là-dessus.

      Le Temps est au coeur du problème humain, comme celui de la Loi. C’est pourquoi Huxley ouvre sa méditation par cette évidence qui sera toujours une hérésie sur le plan temporel, l’ennemi « éternel » le plus subtil du Royaume :

      « Dieu est, c’est là le fait primordial. C’est afin de pouvoir découvrir ce fait pour nous-mêmes, par expérience directe, que nous existons. La fin et le but final de tout être humain est la connaissance unitive de l’être de Dieu. »

      Et il est effectivement hors de question de dire que l’être de Dieu puisse être le néant du moi temporel, individuel, collectif ou citoyen. Comment un tel néant peut-il même être intégré dans une prière ? La seule explication est que nous sommes devenus fous, ou plus exactement que nous avons perdu la vraie raison, le fait primordial. Une telle « union » est indigne et parois ignoble.

      Ce que souligne souvent Bernanos, c’est d’abord que le scandale de cette perte soit une trahison : nous ne sommes pas trahis par nos ennemis, nous sommes cette trahison. Nous la nourrissons comme l’assassin son crime, par nos idolâtries et notre attachement déraisonnable à ce monde institué (sur rien, puisque Dieu est tout et que tout était déja donné) cette imposture, qui est toute la faiblesse humaine.

      Ce monde qui ne devrait être fixé que dans sa nature provisoire, comme moyen, comme nos vies, qui comme rien ne peuvent en soi être une fin, mais conformément au fait primordial de Dieu, considérant les ennemis de Dieu comme des défavorisés, des malheureux mais aussi et surtout des frères – et leur malheur comme le moyen merveilleux de notre humanité, comme on respecte l’ennemi qui fait notre courage et notre grandeur, non comme le Diable, que nous sommes nous-mêmes secrètement.

      « Dieu est le fait primordial ». Et ce fait est un autre monde – celui qui n’est « pas possible », justement ! Pas possible ? ou le nôtre ? Réfléchissons bien à ce piège, à ce subtil retournement ! Quand on parle de Diable…

      Seuls les saints sont notre lumière, qui marchent sur l’océan de leurs propres faiblesses. Ils sont la vraie Chrétienté. Mais en a t-il jamais été autrement ? Quelle magie du verbe pourrait nous faire croire le contraire ? Oui, comme l’argent est dans la relative, la Chrétienté est dans la différence absolue.

      Mais qu’avons-nous fait de nos saints ? De bons bourgeois ? A moins que ceux-ci ne les aient annexés, aprés leur révolution, masquée, derrière l’autre, la populaire.
      Qu’avons-nous fait de leur combat et de leur amour ?
      Ils ont fait la Chrétienté et nous…avons hérité. Hérité ? De quoi, d’un trésor ? Quel or ? Celui d’une guerre, d’une trahison ?

      Nous sommes cette trahison et mon petit « moi » ridicule le premier !

      Si chacun tenait le sien et celui des autres à l’oeil comme on veille sur un sale gosse pourri face au danger, mais aussi avec le respect qu’on se doit à soi-même comme aux autres, nous n’en serions pas là.
      Tout le message humain de base des saints était là, comme celui de l’Evangile, comme celui de Bernanos : la vérité de l’être est dans le non avoir, le non savoir, la jouissance provisoire et conditionnelle, conscience et innocence, l’humble vérité, le partage et le combat pour la liberté en Dieu. Dans cette connaissance qui ne sera jamais une science. La vérité de l’être est dans l’Etre.

      « Tout devient possible quand on a tout abandonné. » Jaqueline KELEN

      « Humilité ou humiliation, il faut choisir » Georges BERNANOS

      La vérité est qu’il n’y a pas de pouvoir autre que celui de Dieu, et que Dieu n’est pas même un pouvoir puisqu’il est infiniment, et qu’en ce sens celui des hommes qui se réclament de Lui est trop souvent une trahison qui appelle l’humiliation, qui appelle la vengeance, qui appelle le pouvoir, qui appelle la trahison et la terreur…contre tous ceux qui « ont » Dieu en eux et en partage par Sa volonté et Son être, et contre tous ceux qui ont la malchance et le handicap de Le méconnaître ou de le combattre (quoi que cela soit formateur et parfois rédempteur), mais qui font aussi partie de Sa création, et donc de Lui, que cela plaise ou non.

      La vérité est aussi qu’il n’y a de liberté qu’en Lui, même si l’on ne croit pas en lui, ce qui n’est pas un obstacle mais une illusion de liberté naturellement humaine, trop humaine, puisque Lui croit en eux dans la mesure où il les a fait tels, et donc « respectablement » tels.

      L’obstacle c’est la trahison, la perversion de Dieu, le seul obstacle à Dieu est ce qu’il n’est pas « absolument ». L’obstacle est ce qu’on voudrait qu’il soit un peu ou beaucoup ou en partie, à un endroit ou à un moment, à une époque ou pour des raisons pratiques, stratégiques ou de soit-disant survie, par nécessité, par actualité, par intention ou par intelligence, par ruse ou bonté d’âme…par politique, économie ou raison supérieure…Supérieure à Qui ?

      Merci à Bernanos de nous avoir tant aimés et tant…châtiés. Ce qui est respectable n’est pas ce qui est respectable en soi mais ce qui respecte en soi (la qualité humaine se fait de l’intérieur de la Vie.) et donc se respecte à travers l’autre, ce qui n’a rien à voir avec une réciprocité automatique…devant une apparence, une forme, un insigne ou un symbole ou une marque crée de la main de l’homme. Le vrai respect vient d’en haut, comme dans un sens, tout ce qui est vrai, puisqu’un mensonge bas est insignifiant, comme la basse trahison n’est que relative et réparable.

      Merci Olivier.

      Hubert.

  21. sixte permalink
    8 mars 2010 22:41

    @ Hubert,

    Votre raisonnement ne tient pas une seconde. Que Bernanos ait pu assister à des extrêmités à Majorque c’est fort possible, que sa sensibilité en fut troublée, sans doute. Mais mettre sur le même plan, ce qui est sa faute, les excès des nationalistes avec la politique antireligieuse de massacres perpétrée par les répupblicainsc et les rouges est ridicule.

    La persécution religieuse a commencé, physiquement, le 11 mai 1931 – moins d’un mois après l’arrivée de la République – avec des incendies, saccages et pillages de centaines et centaines d’églises. Que dit Bernanos à cela ? rien silence….

    Au cours de l’insurrection des gauches en octobre 1934, des centaines de religieux ou séminaristes furent assassinés sauvagement, des religieuses violées puis tuées, leurs corps incendiés. Que dit Bernanos à cela ? toujours le silence silence….

    La grande bibliothèque de l’université d’Oviedo incendiée et de nombreux monuments historiques des plus prestigieux de l’art roman, dynamités, persécution encouragée par une dure propagande et d’innombrables agressions et actes de vandalisme. Que dit Bernanos à cela ? encore le silence….

    Entre les élections du 16 février 1936 et le 18 juillet, des dizaines de prêtres furent abattus. D’autres furent blessés, battus ou jetés en prison. Des dizaines d’entre eux menacés ou expulsés de leurs paroisses. Dans beaucoup de régions, les gauches interdirent de sonner les cloches et les enterrements catholiques publics. De fait, les offices religieux cessèrent. Les fidèles se rendant à la messe se faisaient insulter, subissaient des jets de pierres, recevaient des menaces de mort ou étaient suivis de gens ricanant et lançant des quolibets. Ceci dans le meilleur des cas. Le simple fait de posséder des images pieuses ou des livres religieux était considéré comme un signe d’hostilité au régime. Que dit Bernanos à cela ? toujours le même silence !

    Dans les cimetières, les croix étaient détruites. Des centaines d’églises, chapelles, bâtiments religieux furent saccagés. Une fois les images pieuses détruites elles étaient incendiées de façon que le feu se propage dans les églises. Que dit Bernanos à cela ? Oui, le même et identique silence !!

    Puis en 1936, l’Eglise espagnole souffrit un harcèlement mortel non pas à partir du 18 juillet, mais depuis le 16 février dans ce qu’on appela le printemps tragique. Du 16 février au 2 avril 1936 il y eu : 72 d’établissements publics ou privés détruits, des centaines d’églises. Tous ces actes criminels continuèrent à la même cadence. La persécution prit des proportions tragiques avec la distribution des armes au peuple, un peuple que les dirigeants des gauches avaient préalablement fanatisé. Résultat :

    7 000 religieux dont 13 évêques, 4 184 prêtres, 2 365 moines et 283 religieuses ont été assassinés durant cette période, soit 88 % du clergé dans le seul diocèse de Barbastro (Aragon), dont l’évêque, Mgr Asensio Barroso, émasculé vivant avant d’être assassiné le 9 août 1936. Neuf diocèses perdirent ainsi plus de la moitié de leur clergé, la seule appartenance à ce dernier étant justiciable d’une exécution sommaire. À ces tueries s’ajoutèrent, comme signalés plus haut, les incendies d’églises et de couvents, les profanations d’autels et de sépulture. En septembre 1936, devant des réfugiés espagnols, le pape Pie XI dénonçait ce qu’il désignait comme une « haine de Dieu satanique professée par les républicains ».

    Que dira Bernanos à cela. Vous le savez à présent – silence, silence et re-silence !!!

    Alos s’il vous plaît, n’identifiez-pas les erreurs de jugement d’un homme, aussi génial et respectable que fut Bernanos, avec la vérité, terrible, de l’Histoire de la Guerre d’Espagne qui est un carnage effroyable, l’expression d’une haine antireligieuse démoniaque !

  22. DST permalink
    8 mars 2010 22:49

  23. DST permalink
    8 mars 2010 22:50

  24. Hubert permalink
    9 mars 2010 15:27

    A Monsieur Sixte,

    Quand je dis que ce les horreurs anticatholiques des Républicains n’ont rien à voir avec la Terreur exercée par certains catholiques, je ne veux évidemment pas dire par là que ce que firent les catholiques aurait été pire que ce qu’ont les républicains. Ce que je dis est que le rapport n’est en aucun cas à établir.

    Ce que je veux dire c’est qu’on ne peut comparer que ce qui est de même nature et je ne crois pas que ce qui fait un chrétien puisse être de même nature que ce fait un ennemi d’un chrétien par exemple, pour la simple raison qu’entre ces deux races d’hommes il y a l’Evangile, qui est principe et a valeur de civilisation en soi.

    Bernanos n’a jamais mis sur le même plan ces deux hommes, il s’est uniquement attaché à témoigner de ce qu’il a vu de ses propres yeux de la part du camp auquel lui-même appartenait au début, et qui l’a profondément dégôuté. Les gens dont on a alors “rempli” les charrettes de la mort, il les connaissait et savait leur innocence. Pour le reste il lui était difficile de témoigner de ce à quoi il n’avait pas assisté en direct. A Majorque il avait en plus des information de première main, son fils étant phalangiste.
    Avez-vous lu les Grands Cimetières ?

    Certains laissent entendre que Bernanos aurait eu le jugement troublé par cette guerre. Difficile à croire de la part de quelqu’un qui dit lui même, pour avoir fait celle de 14 et connu ses boucheries, qu’il n’a jamais été impressionné par la guerre.

    Ce à quoi il dit avoir assisté c’est à des “opérations de police” qui n’avaient sans doute rien à envier à celles de la Gestapo. Là dessus son témoignage est irrécusable et ne peut être mis en balance ou annulé par les horreurs républicaines, fussent-elles 1000 fois pires.

    Dans le principe même : un plus grand mal n’annule ni n’excuse un mal plus petit, faisant d’un côté “un excés” et de l’autre un carnage effroyable. Ce qui met mal à l’aise certain, de plus, c’est l’aspect symbolique de l’horreur républicaine dirigée vers le clergé.

    Evidemment, c’est une horreur idéologique ou métaphysique : on viole et assassine des personne, détruit des objets “sacrés”, ce qui aux yeux d’un croyant est insurpassablement “sacrilège”, dans le geste même ajouté au crime. Je comprends ce sentiment d’irréparable, cette agression infinie, servant trop souvent d’ailleurs à tous les fanatismes (et pense à Israël-Palestine).

    Pourtant le viol du sacré n’est pas un sacrilège, il n’y a sacrilège que dans le viol du sacré de la part de ceux qui sont censés le défendre. Pour les autres, ils ne sont que la figure la plus basse et ordinaire du mal, qui justement, ignorent le sacré.

    Cependant, il n’y a pas pour moi des gens dont la vie – fut-elle infiniment précieuse – vaut plus que celle des autres, dans le principe, au niveau du crime même, et le nombre des victimes n’y fait non plus rien à l’affaire : l’agonie d’un seul homme pouvant valoir celle de 10 (que dire de celle du Christ…). Une vie est une vie, issue de Dieu. Ceux qui combattent l’avortement le comprennent.

    Le fait de sacrifier sa vie est affaire d’honneur, pas d’épicerie, fut-elle historienne. C’est l’honneur qui rend plus précieuse la vie des enfants, des femmes et de certains parfois, et cet honneur fait ou plutôt a fait notre civilisation, honneur qui veut que l’on ne barbotte pas, même intellectuellement, dans le même sang que celui que versent les “barbares” au nom d’on ne sait quel principe de justice ou de raison ou encore pire : soit-disant divin.

    Mais je ne cherche ni à donner des leçons ni à avoir raison absolument. Sixte défend une mémoire avec une fougue qui l’emporte, ce qui n’enlève pas qu’elle l’honore. Cependant, il ne s’agit pas ici seulement d’histoire et de polémique. Il s’agit aussi de religion, et aussi de la mémoire de Bernanos, qu’il faut bien défendre.

    D’accord pour défendre la mémoire des victimes de cette sorte de génocide religieux, mais pas de pardon pour les traîtres qui ont aussi la responsabilité morale d’avoir fait dégénérer le cours de cette guerre civile en bestialité universelle, qui, comme le notait justement Bernanos, a préfiguré la deuxième guerre mondiale.

    Merci de vos précisions historiques précieuses relativisant l’accusation unilatérale de fascisme de la part des “rouges”. On pense ici, inévitablement, aux Bleus en Vendée, préfigurant, à leur tour, 36. On peut multiplier les exemples à l’infini, malheureusement.

    Seulement voila, il faut bien tirer des conclusions, sinon pourquoi on parle ?
    Le mal n’efface pas le mal, comme un mensonge plus grand couvrirait un plus petit. Je comprends et partage votre souffrance face au mal, parfois absolu. Mais il faut garder sa raison. Mais je ne peux accepter que cette souffrance ne puisse seulement servir qu’une sorte de haine aveugle – justifiée, légitimée par des chiffres et des faits exacts, donc appuyée, adossée, construite sur la souffrance indicible de victimes qui n’auraient peut-être pas toutes voulu voir leur sacrifice instrumentalisé par et pour une guerre civile morale et intellectuelle universelle à venir. Sinon pourquoi sont-elles mortes ? Juste pour justifier cette haine ?

    Je ne comprends, comme Bernanos, que le combat loyal contre tout ce qui ne relève pas de la vérité, y compris et d’abord dans son propre camp, (charité bien ordonnée commence par soi-même) sinon autant faire le mal, qui sera toujours plus efficace, y compris au soit-disant service de Dieu. Pour moi le souci historien et la mémoire, rendue comme une justice, ne peuvent aller que dans ce sens. Serait-il possible que nous soyons au moins d’accord sur ce point ? Sinon qu’aurions nous encore à dire ou à partager ? Réfléchissons bien.

    Un dernier point : défendre la mémoire de Bernanos ne veut pas dire le déifier : on connait ses faiblesses. Cependant sa trés grande force ne fut pas de ne pas reconnaître parfois son “imbécilité”. Son humilité exemplaire fit qu’il y consentait volontiers, quand il le fallait. Il suffit de lire ses livres pour le voir. Qui d’entre nous aurait aujourd’hui cette qualité supérieure à démontrer ? Personne, sans aucun doute.

    Parce que nous sommes devenus des mercenaires de la pensée et de la contre-pensée, de la propagande et de la contre propagande. Donc les affaires fascistes reprennent…
    Ce n’est évidemment pas Bernanos ou sa personne qui compte mais ce que pointe son doigt. Pour disqualifier ce doigt il ne suffira pas de tenter de disqualifier Bernanos, dans un sens ou dans un autre. Il est difficile de disqualifier Bernanos sans disqualifier l’Evangile.
    C’est ce qui fait de lui un chrétien exemplaire. Ce que Bernanos, en prenant tous les risques comme catholique, a toujours défendu, c’est un christianisme exemplaire, irréprochable, “lavé”. Combien aujourd’hui appellent au retour de cet esprit-la ?

    Amicalement.

  25. sixte permalink
    10 mars 2010 11:14

    Cher Hubert,

    Merci pour votre message développé et approfondi. Vous n’hésitez pas à entrer avec grande attention dans le problème, et cela est heureux du point de vue des sujets importants que nous abordons.

    Mon argument, évidemment, n’est pas d’excuser le crime par le crime, et le chretien, plus que quiconque a le devoir impérieux d’être exemplaire, car il est une image vivante du Christ. Mon interrogation porte sur une dimension différente, non entrevue par Bernanos, comme beaucoup de ceux, parmi les catholiques, qui jugèrent les événements d’Espagne à l’aune d’une simple lunette morale.

    Quelle est-elle donc cette dimension ?

    Elle porte sur la situation difficile en ce monde de la sainte religion chrétienne. Ainsi, lorsque cette dernière est attaquée, et l’on sait que la main de Satan (révolution française, Russie bolchévique, Mexique, Espagne, etc.) est toujours derrière les manoeuvres de l’antichristianisme, la violence chrétienne, l’attitude chevaleresque et militaire est juste. Le combat devient juste. Je ne dis pas que la guerre est belle, et qu’il est heureux de voir mourir des hommes dans des conditions atroces. Mais la cause, qui est d’ailleurs une mission pour le fils de l’Eglise, porte à un niveau différent la nature même du combat. C’est ce qu’il faut envisager dans notre approche, sous peine d’en rester à des faits et à leur interprétation parcellaire, faits regrettables comme ceux auxquels assista Bernanos à Majorque, et de ne plus voir l’essence des enjeux essentiels.

    L’Eglise fait le salut de l’âme, sa tâche est sacrée ici-bas, et donc toucher à l’Eglise en tuant ses prêtres, ses religieux, violant les vierges consacrées, détruisant ses édifices, est une infâmie que le chrétien ne peut tolérer. Lorsque ces manifestations diaboliques apparaissent il faut sortir l’épée !

    La guerre prend alors un caractère de justice. Les soldats se placent leurs armes sous les auspices du Ciel et savent qu’ils obéissent à un commandement sacré.
    Cette guerre là est non seulement nécessaire, mais indispensable, elle fut définie par Saint Augustin, Francisco de Vitoria, Thomas d’Aquin et son disciple Francisco Suárez.

    Thomas d’Aquin exige trois conditions :

    – Auctoritas principis : la guerre doit être approuvée par l’Eglise.
    – Causa justa : cause juste lorsque l’Eglise est attaquée.
    – Intentio recta : l’intention ne doit pas être entachée de causes cachées mais uniquement dans le but de faire triompher le bien de l’Eglise.

    Or, les trois cas, les trois critères pour que la guerre soit autorisée et déclarée juste aux yeux de l’Eglise sont présents dans la guerre d’Espagne. Cette guerre devait être faite pour l’Eglise brutalement attaquée et dont l’activité était mise en péril, ses ministres martyrisés, s’y soustraire à cette guerre juste, ou s’y opposer, était un péché.

    D’ailleurs voyez l’accueil, par la population en liesse, des troupes nationalistes et du général Franco, lors de leur arrivée à Barcelone après plusieurs années d’oppression républicaine.

    Que font les soldats du camp national et leur chef sur la plus grande place de la capitale catalane ? Ils célèbrent la messe !

    Tout est dit Hubert dans ce geste. Et tout ce résume à ça ! Rendre Jésus-Christ présent au sein de la cité, au milieu des hommes par les sacrements de l’Eglise, redonner au Christ son règne social.

    Cette cause est la plus haute et la plus nécessaire qui soit pour un chrétien !

    « Il y a des guerres justes. Elles se font pour la véritable paix. » dit Saint Thomas

  26. apostolatus specula permalink
    10 mars 2010 12:09

  27. Hubert permalink
    11 mars 2010 10:14

    Sixte,

    Un univers à plusieurs dimensions non unifiées est un monde sans Dieu. C’est le monde des hommes, avec ce qu’il vaut. La chevalerie elle, comme la prêtrise est une prière, est un combat vers le Haut.
    En ce sens elle est, comme le sacerdoce encore, une “science” exacte.
    Il faudra bien qu’une nouvelle chevalerie se lève, épaulée par et épaulant de nouveaux prêtres, si nous voulons retrouver Dieu.

    Les règles de la chevalerie ne sont pas les règles de la guerre ordinaire, celle des hommes. Elle n’obéissent nullement ou aveuglément à une cause qui serait en contradiction avec leur fondement, basé sur la plus pure justice, qui comme tout chrétien le sait, n’est pas de ce monde. Il s’agit donc d’une tension et non d’une prétention. Tension vers le Haut basée sur l’Evangile.

    Chevalier et prêtre sont les deux figures chrétiennes de la vie exemplaire, comme les deux mains et les deux yeux de Dieu. Si l’un n’est pas destiné à la “guerre sainte”, qui relève d’abord de l’esprit comme “arme” et n’est pas homme d’Eglise, il ne peut pourtant, pas plus que le prêtre dans chacun de ses actes, s’éloigner de l’Evangile. Aucune cause chrétienne ne peut justifier quelque écart que ce soit, dans la prière comme dans le combat.

    La raison de cet absolu est la raison d’être même du Christianisme.
    La nature d’un combat ou d’une prière ne peut à aucun moment dévier des principes du Christ. Ou alors il n’y a plus intentio recta.
    Lorsque le Christ lutte contre le Démon, le coeur du combat est tout simplement la tentation. Tentation de se laisser emporter, pour vaincre, à de minuscules et minimes “extrémités” ou trahisons qui semblent se présenter sous des aspects inessentiels ou insignifiants, non “significatifs”…
    Christ en combat sait que le Malin a le mauvais génie de pouvoir s’incarner tout entier dans l’anodin, l’insignifiant pour vaincre l’insigne, justement. Cette euphémisation du mal est toute l’illusion humaine, basée sur la ruse de l’esprit qui domine ce monde dans sa dimension provisoire, dans le mensonge du temps, et qui est, beaucoup trop souvent, à la racine imperceptible de notre aveuglement.

    Cette dimension là, qui est celle du Démon, nous ne la vaincrons jamais, pas plus que la maladie s’insinue en nous. Mais nous pouvons mourir en la combattant. Elle est peut-être ce qui “troubla” Bernanos, non pas à un niveau sentimental ou moral, mais au coeur simple de sa foi : il vit, sans pouvoir détourner les yeux, qu’elle pouvait et allait, au nom d’une cause juste, partiellement disqualifier, faire “chuter” son Eglise. La fut sa douleur de chrétien et la raison de sa colère.

    Pourquoi ?
    Parce que la guerre, comme esquissé plus haut, ne peut être “conduite” que par les principes les plus élevés, incarnés dans l’intentio, qui , évidemment ne peut être qu’une tension vers le Haut, sans concession. “Sans concession” étant le principe spirituel de la “guerre sainte” contre le mal, qui n’existe jamais sans nous avoir d’abord pénétré sournoisement. Si le mal ne s’insinuait pas malheureusement au coeur du bien – et tel est bien son pouvoir suprême – Quelle serait sa victoire en ce monde ?

    La guerre sainte ne peut avoir d’auctoritas principis que si elle répond visiblement et non pas aveuglément à ces conditions. Dans ce sens elle ne peut être que l’absence absolue du mal répondant au mal absolu, en tout point. Ceci justifiant le sacrifice de soi et des autres (ennemis), étant entendu que la manière et la raison de “tuer” et de se faire tuer ne peut absolument et encore moins se séparer de ces conditions précises et “scientifiques”.

    Sainteté et héroïsme, voila les deux seuls plateaux de la balance.
    Pour un vrai chrétien, le reste a t-il une place ?

    Alors, Sixte, si les conditions sont remplies, oui : il peut y avoir “guerre sainte” et oui encore : elle devient effectivement la plus haute cause d’un chrétien. D’accord ! En avant !
    Sur le fond je crois que nous sommes d’accord. A la condition toutefois d’être intraitable sur la forme : il ne s’agit pas là de niaiserie formelle mais d’impeccabilité au sens “propre”.
    Sinon comment relever le Christianisme qui fonde l’Eglise ?

    Cette guerre a t-elle été sainte ? Les martyrs seuls ne peuvent rendre une guerre “sainte” : ils la rendent nécessaire, ce qui est déja monumental. Pour le reste l’oeil de Dieu demeure posé sur les hommes qui le “craignent”, toujours pour de bonnes raisons.
    Prétendrions-nous ne pas appartenir à ceux-là ?
    Si oui, il me semble que c’est à lui qu’il faut le prouver d’abord, pas aux autres hommes, qui “passent” aprés Lui.

    Trés amicalement.

  28. sixte permalink
    11 mars 2010 11:16

    @ sixte,

    Je comprends parfaitement votre aspiration à cette sainteté et pureté. Mais la guerre, hélas ! n’est pas chose propre. Les mains doivent être salies, descendre dans ce bourbier qu’est la réalité humaine, atroce à bien des égards, depuis la chute, et ce n’est pas beau, loin de là même !

    Ainsi, bien que partageant entièrement votre définition de l’héroïsme saint, n’oubliez pas que les croisades, nécessaires et prêchées par des saints, des papes, furent entâchées de bien des excès terriblement scandaleux, que de nombreux faits de guerre qui avaient les drapeaux du Christ et de l’Eglise à la tête des armées (Lépante en est un exemple frappant – aujourd’hui l’objet d’une célébration par l’Eglise – la victoire fut attribuée à la Sainte Vierge car le pape saint Pie V avait demandé un rosaire universel pour obtenir la victoire, l’anniversaire de la bataille fut inscrite sous le nom de Notre-Dame du Rosaire dans le calendrier liturgique romain et cette grâce est toujours commémorée), ont été des carnages sanglants.

    A un moment, c’est ainsi en ce monde, il faut passer de l’idéal au concret. Inévitablement. Et il faut que le soldat (qui n’est pas un moine ou un prêtres qui eux sont appelés à un autre idéal), l’homme de guerre ou le chevalier, accepte la mort et soit capable de la donner, brutalement et avec force pour ne pas périr et faire triompher sa cause. Et la mort, mon cher Hubert, n’est jamais belle. Le champ de bataille n’est pas un roman de chevalerie courtoise. C’est une horrible boucherie.

    Pourtant cette boucherie, lorsqu’elle est faite au nom de l’Eglise est divine. Paradoxe. Oui. C’est ce qu’explique Joseph de Maistre dans un passage saisissant de son livre (véritable traité de politique catholique), lorsqu’il écrit :

    « La guerre est donc divine en elle-même, puisque c’est une loi du monde […]
    La guerre est divine dans la gloire mystérieuse qui l’environne, et dans l’attrait non moins inexplicable qui nous y porte. »

    Pourtant c’est le même, ce qui prouve qu’il savait de quoi il parlait, qui aura aussi cette phrase :

    «Nul ne sait ce qu’est la guerre, s’il n’y a son fils.»
    Lettre au comte Deodati – 11 Février 1807.

    Pour finir, vous me dites, en forme de question / réponse : « Cette guerre a t-elle été sainte ? Les martyrs seuls ne peuvent rendre une guerre “sainte” : ils la rendent nécessaire, ce qui est déjà monumental. »

    Les martyrs sont incontestables, ils viennent même de faire l’objet d’une reconnaissance par l’Eglise lors du plus grand procès de béatification de l’histoire, concernant 900 religieux, religieuses et laïcs, morts dans des conditions épouvantables que je n’ose rapporter ici, tellement elles sont choquantes.

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Martyrs_de_la_guerre_d'Espagne

    Il sont aujourd’hui des bienheureux, leur place est sur les autels, ce critère suffit à conférer ce signe de sainteté pour un catholique, qui donne à un événement sa dimension. La nécessité dans ce cas, répondant aux conditions de la guerre juste plus haut expliquées dans mon précédent message, conditions exposées par s. Thomas.

    Cette guerre fut donc juste, selon l’Eglise, et la nature de la justice c’est de conduire à la sainteté selon saint Paul :

    « Vous êtes devenus les esclaves de la justice : faites maintenant de vos membres les esclaves de la justice pour devenir saints. Aujourd’hui que vous êtes affranchis du péché, et que vous êtes devenus les esclaves de Dieu, vous portez votre fruit de manière à être saints, et vous avez pour fin la vie éternelle. » (Rom. VI, 18,19, 22)

    Cordialement en Notre Seigneur.

  29. lagomer permalink
    1 février 2011 11:09

    Belle citation de Bernanos chez Konigsberg :

    « La civilisation européenne s’écroule et on ne la remplace par rien, voilà la vérité.
    A la place de ces immenses épargnes accumulées de civilisation, d’humanités, de spiritualité, de sainteté, on offre de déposer un chèque sans provision, signé d’un nom inconnu, puisqu’il est celui d’une créature encore à venir.

    Nous refusons de rendre l’Europe. Et d’ailleurs on ne nous demande pas de la rendre, on nous demande de la liquider. Nous refusons de liquider l’Europe. Le temps de liquider l’Europe n’est pas venu, s’il doit jamais venir. »

    http://konigsberg.centerblog.net/230-bernannos

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